Que valent les récits Absolute ?
Review d'Absolute Batman, Absolute Wonder Woman et Absolute Superman !
Absolute Batman, Wonder Woman et Superman débarquent en France. Ces versions alternatives de la Trinité de DC plongent nos héros dans un environnement encore moins confortables que dans leurs origines classiques. A quel point cela va-t-il les changer ?
Inspirés par le succès critique et commercial des titres Ultimate de chez Marvel, DC contre-attaque avec Absolute et l’objectif est clair : Bruce Wayne, Diana Prince et Clark Kent n’en ont pas assez bavé, il faut leur enlever un élément qui leur a permis de devenir les grands héros que nous connaissons.
On commence avec le plus attendu, Absolute Batman. Scott Snyder est assez polarisant, beaucoup ont débuté les comics avec cet auteur comme référence, mais nous sommes aussi nombreux à s’être rendu compte que son run a vite tourné au vinaigre. Son dernier passage sur du super-héroïque, la saga Metal, a fini de le catégoriser : Scott Snyder, on ne veut le voir que sur de l’indé.
Bigger is better
Et pourtant, Absolute et sa promesse semble l’avoir inspiré. Avec Nick Dragotta, au style sombre et démesuré, Snyder peut imaginer toutes les idées outrancières qui lui passent par la tête pour animer ce Batman gargantuesque. Toujours dans sa jeunesse, on pousse donc les potards du Batman de Frank Miller au max, mais pas question d’oublier les racines du héros : Le Dark Knight ne tue pas, mais il fait très très mal. Les conditions de son traumatisme étant modifiés, il ne faudra pas être choqué de le voir utiliser des armes automatiques, non létales naturellement.
Grossièrement, l’idée d’Absolute Batman est que Bruce n’est pas riche. Son fameux “super-pouvoir” en moins, il est obligé de n’utiliser que son gros cerveau et ses immenses biscotos pour vaincre la Pègre, l’auteur appuyant tout au long du récit que ce n’est pas les ressources qui font Batman, mais la conviction inflexible d’un homme. Mais s’ils sont faits avec les moyens du bord, le costume de Batman dégueule tout de même de gadgets faits maison, et puis il a une Batmobile à son image.
Si la méthode est brutale, et il faudra s’y faire, la profondeur du personnage est tout de même présente. Ce qui brille le plus d’humanité sera le cercle de misfits autour de ce Bruce qui a pris la voie “gamin de la rue”. Il n’a en fait jamais été aussi entouré dans ses jeunes années, ceux qu’on connaissait comme des vilains sont ici les alliés les plus précieux de Bruce puisqu’ils sont capables de lui fournir des tuyaux et des informations sur tout un tas de sujets. La dynamique entre eux est très appréciable et comble un manque de Bat-famille.
C’est en tout cas un Batman qui fait de l’effet. Toujours surprenant, on apprécie un parti pris qui pourrait paraître trop vu, mais qui est rattrapé par une narration profonde et une partie graphique ultra-efficace. On a pas vu Batman aussi stylisé depuis longtemps, Dragotta vient même rappeler les grandes années de Norm Breyfogle avec cette cape lui donnant une allure de démon volant. On redécouvre Batman et on en comprend mieux ce qui en fait l’essence.
Militant latent
Et si Superman était communiste ? Comment ça, déjà vu ? Non, on ne parle d’un Superman qui fait la gloire de l’URSS, mais du fils d’un couple d’ouvriers et lutteurs sociaux de Krypton qui débarque sur Terre alors qu’il est déjà adulte et tente d’utiliser ses pouvoirs pour améliorer les conditions de travail des miniers et parfois en nuisant aux énormes corporations exploitant leurs employés tout en détruisant les ressources de la Terre, son nouveau foyer.
Superman n’a pas eu d’enfance heureuse à Smallville, il est là pour éviter à la Terre le même sort que Krypton, et il est prêt à saboter les grands pollueurs de ce monde. Le principe peut être intéressant, surtout avec Lois Lane qui a choisi la voie militaire de son père et qui découvre le Man of Steel d’une toute autre manière. Les deux partagent un goût pour l’écriture à l’ancienne, dans deux mondes où des algorithmes dictent les faits, sans aucune nuance donc ni humanité.
Si les dessins de Sandoval sont plus classiques comparés aux deux autres titres Absolute, voire ne dégagent rien par moments, il y a tout de même un certain effort de réappropriation du design de Kal-El, notamment cette cape de poussière qui crée un bel effet.
Le problème d’Absolute Superman est qu’on reste constamment sur sa faim. Ca n’avance pas beaucoup, les flashbacks coupent peut-être trop le récit, même s’ils ont pour eux d’avoir réussi à rendre Lara intéressante. Avec ce rythme plombé et ce héros dont on ne ressent pas assez la dualité douceur/violence dont l’auteur parle régulièrement, on s’attache moins à cette histoire, même si ça reste une relecture du mythe avec quelques idées effleurant un discours autour de la surconsommation des ressources et l’utilisation de l’IA dans l’art.
Le problème semble aussi venir de cette volonté de rester caché alors qu’on a des pouvoirs cosmiques phénoménaux pour soutenir sa propre cause. Toutes les histoires de Supermen alternatifs le mettent sous une lumière inéluctable, et là, on a l’impression de s’ennuyer devant ce Kal-El, qui n’a finalement pris que le postulat de sa cousine. Moins marquant que Batman, moins maîtrisé que Wonder Woman, ce vilain petit canard plaira à certains, mais il est clairement à la traîne, qu’il pourra peut-être rattrapé quand Aaron aura décidé de passer la seconde.
Diana dantesque
Pour Wonder Woman, l’idée est encore plus simple : Diana n’a pas grandi au sein des Amazones sur Themyscira, l’île du Paradis, mais en Enfer. Là encore, l’une des ses adversaires principales est une alliée dans cette réalité puisqu’elle a été élevée par Circé, qui lui aura prodiguée tout l’amour que peut donner une mère, mais aussi tout son savoir de sorcière.
On se retrouve donc avec une immense Wonder Woman, aussi bien dans l’esprit que dans le corps, avec un design plus sombre et sauvage et un physique qui mérite des fanarts de Rhea Ripley dans la peau de l’Amazone. La relation entre Diana et Circé est superbe à suivre, on sent l’amour qu’une mère peut porter à sa fille, mais aussi le mélange de peur et de détermination lorsqu’elle lui donne toutes les cartes pour lui permettre de se libérer de cette prison chtonienne. Diana est quant à elle plus empathique que jamais, prête aux sacrifices nécessaires pour sauver la moindre personne innocente et avec un faible pour les créatures aux allures démoniaques. Et en plus de ça, elle a une grosse épée et une maîtrise de la sorcellerie ? La GOAT, tout simplement.
L’aspect mystique est bien présent, tout comme l’est la mythologie, naturellement. Il y a un bel effort pour construire cet Enfer que l’on aurait envie d’explorer encore et on sent qu’il y a une certaine croyance presque cabalistique des deux protagonistes au sein d’un polythéisme engagé. Les Dieux sont omniprésents, que ce soit dans les mots, les prières ou lorsqu’ils s’impliquent davantage. On sent leur importance et leurs pouvoirs, participant à construire un lore à Wonder Woman, bien que de ce côté-là, il ne soit pas complètement réinventé par rapport à la continuité principale.
Si Absolute Wonder Woman est aussi efficace, c’est aussi grâce à une énorme performance de Hayden Sherman, qui nous plonge en enfer avec brio. Les ambiances sont folles, sans parler des costumes et des créatures au gigantisme grisant, et le découpage est souvent original et intelligent sans en faire des caisses. C’est clairement le plus abouti des trois récits Absolute.
Merci pour cette review 👍
Merci pour cette review.
Elle me conforte dans mon choix de ne prendre que wonder woman et Batman.